A quelles conditions un employeur peut-il utiliser un dispositif de géolocalisation pour contrôler la durée de travail de ses salariés ?

Un employeur dispose d’un pouvoir de direction qui lui permet notamment de contrôler l’activité, la bonne exécution des missions de travail et le temps de travail de ses salariés.

Toutefois, les moyens mis en place par un employeur pour contrôler ses salariés doivent être justifiés par la nature de la tâche à accomplir et proportionnés à la finalité poursuivie (Article L.1121-1 du Code du travail).
Par ailleurs, lorsqu’il met à disposition de ses salariés des véhicules de l’entreprise, l’employeur peut mettre en place un système de géolocalisation. Ce système permet de localiser immédiatement les véhicules d’entreprise utilisés par les salariés. Il permettrait à l’employeur de contrôler et vérifier les déplacements des salariés mais également de contrôler la durée de travail.
L’installation d’un système de géolocalisation entraîne la collecte d’un certain nombre de données. Compte tenu du caractère intrusif de ce dispositif, le recours à ce dispositif est strictement encadré. En effet, le recours à la géolocalisation doit être justifié par la nature de la tâche à accomplir et proportionné au but recherché. Ainsi, il doit avoir une finalité propre et déterminée. C’est le cas notamment pour la sûreté ou la sécurité du salarié lui-même ou des marchandises ou véhicules dont il a la charge (travailleurs isolés, transports de fonds et de valeurs…), le contrôle du respect des règles d’utilisation du véhicule, etc.
La géolocalisation peut également être utilisée accessoirement pour contrôler la durée de travail des salariés sous certaines conditions.
Dans ce cas, l’employeur doit démontrer que le recours à un système de géolocalisation est le seul moyen possible pour assurer le contrôle de la durée de travail des salariés. Ainsi, si un employeur peut mettre en place un autre outil pour contrôler la durée de travail des salariés, même s’il est moins performant, il ne pourra pas recourir à la géolocalisation à cette fin.

Par ailleurs, l’employeur doit respecter certaines mesures pour garantir le respect de la vie privée des salariés et des principes issues du RGPD :

  • respecter les conditions légales posées par la Cnil ou d’autres dispositions légales. Ainsi, l’employeur, en tant que responsable de traitement, doit notamment déterminer la finalité du traitement mis en place, les personnes habilitées à accéder aux données, la durée de conservation, etc.
  • informer les salariés de l’installation de ce dispositif et de leurs droits. En effet, aucune information concernant personnellement un salarié ne peut être collectée par un dispositif qui n’a pas été porté préalablement à sa connaissance. Par ailleurs, les salariés doivent pouvoir désactiver la collecte ou la transmission de la géolocalisation en dehors de leur temps de travail ;
  • limiter l’accès aux données collectées ou transmises par le dispositif aux seules personnes habilitées à les consulter par leurs fonctions ;
  • prendre toutes les précautions utiles au regard des risques présentés par son traitement pour préserver la sécurité des données à caractère personnel, notamment au moment de leur collecte, durant leur transmission et leur conservation, empêcher qu’elles soient déformées, endommagées ou que des tiers non autorisés y aient accès ;
  • définir une durée de conservation des données ;
  • etc.

En outre, l’employeur doit informer et consulter les membres du comité social et économique (CSE) du système de contrôle mis en place. La collecte des données issues d’un dispositif de géolocalisation ne respectant pas ces règles est illicite. En outre, l’employeur ne peut pas utiliser les données collectées par ce dispositif  pour sanctionner un salarié. C’est ce qu’a rappelé la Cour de cassation en date du 6 septembre 2023. En l’espèce, un salarié avait agi en justice pour contester son licenciement pour faute grave. Il reprochait à l’employeur d’avoir fondé sa décision sur un dispositif de géolocalisation dont toutes les finalités n’avaient pas été portées à sa connaissance. Les juges du fond avaient rejeté les demandes du salarié. Ils avaient retenu que les déplacements injustifiés reprochés au salarié étaient établis par les relevés de géolocalisation de son véhicule. Ce dispositif avait été déclaré à la Cnil dans le but d’une géolocalisation des véhicules des salariés et de la sécurité des biens et des personnes sur les sites. Pour les juges, le salarié avait été informé par courrier recommandé avec AR du dispositif et les objectifs de l’utilisation de la géolocalisation. Le salarié avait formé un pourvoi en cassation.

La Cour de cassation a censuré la décision des juges. Elle rappelle que :

  • en application des dispositions légales, si l’employeur a le droit de contrôler et surveiller l’activité de ses salariés pendant le temps de travail, il ne peut utiliser un système de géolocalisation pour assurer un contrôle de l’activité des salariés qui n’a pas été préalablement porté à leur connaissance ;
  • les salariés doivent être informés, préalablement à la mise en œuvre d’un traitement de données à caractère personnel, de l’identité du responsable du traitement des données ou de son représentant, de la (ou les) finalité(s) poursuivie(s) par le traitement, des destinataires ou catégories de destinataires de données, de l’existence d’un droit d’accès aux données les concernant, d’un droit de rectification et d’un droit d’opposition pour motif légitime, ainsi que des modalités d’exercice de ces droits ;
  • l’utilisation d’un système de géolocalisation pour assurer le contrôle de la durée du travail n’est licite que lorsque ce contrôle ne peut pas être fait par un autre moyen.

La Cour reproche aux juges de n’avoir pas vérifié si le système de géolocalisation installé sur le véhicule de fonction du salarié avait également pour la finalité déclarée le contrôle de l’activité professionnelle des salariés et de la durée du travail et si le salarié avait été informé de l’utilisation du dispositif à cette fin. Ainsi, si le dispositif a également pour finalité le contrôle du temps de travail, les salariés doivent en être expressément informés au préalable.

Consulter l’arrêt de la Cour de cassation du 6 septembre 2023 : https://urlz.fr/nDZS

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