Un employeur peut-il prévoir une clause contractuelle prévoyant le fractionnement du congé payé principal et le renoncement aux « jours supplémentaires de fractionnement » ?

Non !

Pour rappel, chaque salarié a droit à des congés payés, à hauteur de 2,5 jours ouvrables par mois de travail effectif, à la charge de son employeur. Des dispositions conventionnelles peuvent prévoir une durée plus favorable pour le salarié. La gestion des congés incombe à l’employeur qui doit prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer aux salariés la possibilité d’exercer effectivement leur droit.

La période de prise de congés payés est fixée par accord d’entreprise ou d’établissement ou, à défaut, par convention ou accord de branche. En l’absence d’accord collectif, la période de prise des congés payés est fixée par l’employeur après consultation des membres du Comité social et économique (CSE). La période de prise de congés payés peut s’étendre ou non sur toute l’année et doit nécessairement comprendre la période légale du 1er mai au 31 octobre. Elle doit être portée à la connaissance des salariés au moins 2 mois avant l’ouverture de la période.

En outre, l’ordre et les dates de départ en congés payés sont fixés par accord d’entreprise ou de branche ou, à défaut d’accord, par l’employeur après consultation des représentants du personnel. Il doit les communiquer à chaque salarié, par tous moyens, au moins un mois à l’avance.

Durant la période de prise des congés payés, le salarié doit prendre au moins 12 jours de congés d’un « congé principal » qui est d’une durée maximale de 24 jours ouvrables, sauf certains cas. Lorsque le congé ne dépasse pas 12 jours ouvrables, il doit être pris en continu. En revanche, lorsque le congé est supérieur à 12 jours ouvrables, il peut être pris de manière fractionnée avec l’accord du salarié. Il peut également être pris en dehors de la période de prise des congés à condition que le salarié bénéficie au minimum des 12 jours ouvrables continus de congés sur la période.

Par ailleurs, le salarié qui ne prend pas l’intégralité de son « congé principal » durant la période légale peut bénéficier de jours de congés supplémentaires dits « jours de fractionnement ».

La Convention collective nationale des entreprises de services à la personne (CCNSAP) prévoit que si les congés du salarié sont fractionnés et pris en dehors de la période allant du 1er mai au 31 octobre, il a droit à des jours de congés supplémentaires pour fractionnement dans les conditions suivantes :

  • 2 jours ouvrables si le salarié prend au moins 6 jours de congés en dehors de la période ;
  • 1 jour ouvrable si le salarié prend entre 3 et 5 jours de congés en dehors de la période.

Il est possible de prévoir, par accord d’entreprise, les modalités de prise de congés et de fractionnement ainsi que les jours de congés supplémentaires.

Le salarié peut renoncer au bénéfice des jours de congés supplémentaires pour fractionnement. Cela peut être le cas par exemple lorsque le salarié renonce aux jours supplémentaires pour pouvoir bénéficier de congés en dehors de la période de prise. Dans ce cas, l’employeur doit disposer d’un écrit du salarié en ce sens. La renonciation aux jours supplémentaires ne se présume pas même si les congés en dehors de la période sont demandés par le salarié. Par ailleurs, l’employeur ne peut prévoir cette règle dans le contrat de travail d’un salarié.

La Cour de cassation a rappelé, dans un arrêt du 5 mai 2021, que l’employeur ne peut pas prévoir une clause dans le contrat de travail d’un salarié indiquant que celui-ci renonce aux jours de fractionnement par avance.

En l’espèce, le contrat de travail de plusieurs salariés indiquait que les jours de fermeture de l’entreprise liées à certaines fêtes religieuses étaient obligatoirement décomptés des congés payés. Les salariés avaient agi en justice en demande d’indemnisation en raison de la privation de leurs droits à congés et reprochant à l’employeur de leur imposer un fractionnement de leur congé principal. Les juges du fond avaient condamné l’employeur au paiement de dommages et intérêt pour privation du congé annuel légal en soutenant que les salariés n’avaient pas donné leur accord au fractionnement du congé principal, ni renoncé à leurs droits à des jours de congés supplémentaires du fait de ce fractionnement. De plus, l’employeur ne justifiait pas d’un avis conforme des représentants du personnel au fractionnement du congé consécutif à la fermeture de l’établissement lors des fêtes religieuses. L’employeur avait formé un pourvoi pour contester la décision des juges.

La Cour de cassation a confirmé la décision des juges du fond en rappelant que le congé principal d’une durée supérieure à douze jours ouvrables ne peut être fractionné par l’employeur qu’avec l’accord du salarié. Dès lors, lorsque des congés d’une certaine durée sont pris en dehors de la période légale, des jours supplémentaires de congé sont dus sauf accord individuel ou dispositions conventionnelles contraires.

Ces règles sont d’ordre public. Ainsi, le contrat de travail ne peut pas prévoir, par avance, le renoncement aux jours de congés supplémentaires par le salarié. Le salarié ne pouvant pas renoncer par avance au bénéfice d’un droit qu’il tient de dispositions d’ordre public avant que ce droit ne soit né, il ne peut renoncer dans le contrat de travail à ses droits en matière de fractionnement du congé principal.

Consulter la décision de la Cour de cassation du 5 mai 2021 : https://urlz.fr/fDyO