Contester un avis d’inaptitude avec dispense de reclassement n’empêche pas le salarié d’être licencié

Lorsque le salarié victime d’une maladie ou d’un accident est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l’emploi qu’il occupait précédemment, et que cet avis d’inaptitude mentionne expressément que tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que son état de santé fait obstacle à tout reclassement dans un emploi, l’employeur peut rompre son contrat de travail, sans avoir à rechercher et à lui proposer des postes de reclassement.

Et ce licenciement peut intervenir même si le salarié a exercé un recours contre l’avis rendu par le médecin du travail devant le conseil de prud’hommes et que son affaire est pendante devant celui-ci. C’est ce qui a été jugé par la Cour de cassation dans un arrêt du 19 mars 2025.

Pour rappel, la procédure de recours contre les décisions du médecin du travail a été profondément remaniée par la loi 2016-1088 du 8 août 2016, puis par l’ordonnance 2017-1387 du 22 septembre 2017. Ces recours, auparavant confiés à l’inspecteur du travail, relèvent, depuis le 1er janvier 2017, de la compétence du juge prud’homal.

En l’espèce, un salarié est déclaré inapte à son poste par le médecin du travail, qui précise sur son avis que « l’état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi ». Il saisit la juridiction prud’homale afin de contester cet avis médical, avant d’être licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement. Plus de 8 mois après, le conseil de prud’hommes, après avoir ordonné une expertise médicale, rend une ordonnance par laquelle il annule la dispense de reclassement dont est assorti l’avis d’inaptitude et déclare le salarié inapte à son poste, mais apte à un poste administratif ou technique avec certaines réserves. Fort de cette décision, le salarié saisit, de nouveau, la juridiction prud’homale afin de contester son licenciement. Dans ce cadre, il lui demande notamment de juger qu’il a été victime d’une discrimination en raison de son handicap et que la rupture de son contrat de travail est nulle.

La cour d’appel fait droit à ses demandes, retenant que l’employeur ne justifie pas des raisons objectives qui l’ont décidé à poursuivre la procédure de rupture du contrat de travail et à le rompre sur le fondement de l’avis du médecin du travail qu’il savait contesté en justice. De ce fait, selon elle, il ne justifie pas avoir pris toutes les mesures possibles pour maintenir son salarié dans un emploi au sein de l’entreprise malgré sa situation de handicap. Dès lors, la rupture est discriminatoire, et le licenciement, nul.

L’employeur se pourvoit en cassation, faisant valoir que la contestation d’un avis médical d’inaptitude n’emporte pas suspension de la procédure de licenciement initiée ni prohibition pour lui de prononcer le licenciement sur le fondement de l’avis contesté, le bien-fondé de la rupture s’appréciant à la date de son prononcé. Il argue par ailleurs que l’avis d’inaptitude du salarié le libérait de son obligation de reclassement et de celle de maintien dans un emploi que le salarié ne pouvait plus occuper.

L’employeur se prévaut ainsi de la solution retenue par la Cour de cassation avant le 1er janvier 2017, sous l’empire des textes antérieurs à la loi Travail, selon laquelle le licenciement d’un salarié en raison de son inaptitude régulièrement constatée par le médecin du travail n’est pas subordonné à l’issue préalable du recours exercé contre l’avis du médecin du travail. Dans ce cadre, la Cour de cassation jugeait également que le licenciement prononcé sur le fondement d’un avis d’inaptitude régulièrement émis, et ultérieurement annulé à l’occasion d’un recours, n’était pas nul, mais perdait son fondement juridique, de sorte qu’il était sans cause réelle et sérieuse.

La Cour de cassation censure la décision des juges du fond en considérant que la rupture du contrat de travail en raison de l’inaptitude du salarié régulièrement constatée par le médecin du travail n’est pas subordonnée à la décision préalable du conseil de prud’hommes sur le recours formé contre l’avis de ce médecin. Aussi, dès lors que le médecin du travail avait expressément mentionné dans l’avis d’inaptitude que l’état de santé du salarié faisait obstacle à tout reclassement dans un emploi, il en résultait qu’à la date du prononcé du licenciement l’employeur était dispensé de rechercher et de proposer des mesures de maintien dans un emploi.

La solution énoncée par la chambre sociale de la Cour de cassation sous l’empire des textes antérieurs à la loi du 8 août 2016 est ainsi maintenue. L’employeur pouvait en l’espèce poursuivre la procédure de licenciement du salarié, malgré la contestation de l’avis d’inaptitude, sans se rendre coupable de ce fait d’une discrimination en raison du handicap.

 

Consulter l’arrêt de la Cour de cassation du 19 mars 2025 : https://urls.fr/_2kaWT

Bien entendu le service juridique de la FESP reste à votre entière disposition pour répondre à toutes vos interrogations et demandes d’accompagnement.

Ensemble nous sommes plus forts!

Le service juridique de la FESP
juridique@fesp.fr accueil@fesp.fr

Sur le même thème