Assises nationales de la FESP séquence 1 : Jean-Louis Borloo

Jean-Louis Borloo : « Ce n’est pas un plan. Ce n’est pas un truc. C’est une maman qui vous dit : merci, ma vie a changé. »

Le 26 juillet 2005 entrait en vigueur la loi relative au développement des services à la personne et à diverses mesures en faveur de la cohésion sociale, plus connue sous le nom de « loi Borloo ». Vingt ans plus tard, Jean-Louis Borloo, ancien ministre, fondateur de ce texte structurant, était l’invité d’honneur des Assises nationales de la FESP 2025, organisées à Station F à Paris.

Son intervention a marqué les esprits par sa sincérité, sa vision toujours lucide de l’état de notre société, et sa profonde reconnaissance envers les professionnels du secteur.

Une intuition fondée sur une urgence sociale

Tout commence en 2004-2005, à un moment de crise économique et sociale forte :

« Le chômage venait de taper les 10%, c’était un choc énorme », se souvient Jean-Louis Borloo.
« Jacques Chirac m’a appelé, j’étais ministre de la Ville. Il m’a demandé si je pensais qu’on pouvait inverser la machine. »

S’en suivent quelques jours de réflexion, un « petit cahier » en main, et une intuition fondatrice :

« Le redressement d’un pays, c’est le redressement de ses ressources humaines. Tout le reste, c’est des blagues. »

Jean-Louis Borloo pose alors les bases d’un ministère de la cohésion sociale, rassemblant emploi, formation, logement, urbanisme, santé. L’idée : déployer des plans d’action concrets à fort impact humain et local.

L’émergence d’un nouveau modèle de société

Le secteur des services à la personne, jusqu’alors considéré comme une zone grise, voire informelle, devient l’un des piliers de cette transformation. Avec un objectif clair :

« Il faut rendre populaire une heure de travail. À un prix populaire. Et que celui qui fait cette heure puisse progresser, se former, passer à un temps plein. »

Une femme – intellectuelle et visionnaire – inspirera directement cette réflexion. Venue témoigner après un drame personnel, elle propose une bascule de modèle :

« Elle m’a dit : on va passer de la propriété à l’usage. Le bonheur, ce ne sera plus une 7e paire de chaussures, mais quelques heures de confort pour la famille. »

Un basculement culturel, économique et social que Borloo va s’attacher à rendre possible.

Un secteur méprisé… puis soutenu par les femmes

Mais à l’époque, peu de soutiens politiques ou administratifs.

« Personne ne voulait en entendre parler. On parlait de “petits boulots”. Il y a eu des articles incendiaires sur les petits boulots de Borloo », rappelle-t-il.

Face à l’inertie, il change de stratégie :

« J’ai appelé un ami qui dirigeait toute la presse féminine. J’ai dit : on va faire la guerre ensemble. Ce secteur, c’est 90 % de femmes, pour alléger la vie des autres femmes. C’est un plan pour les femmes de ce pays. »

Résultat ? Une campagne de presse massive, une une de tous les grands magazines féminins… et un retournement d’opinion.

« Il n’y a plus un petit homme en gris qui a osé ouvrir sa gueule. C’est grâce aux femmes, en fin de compte. »

Le terrain, les destins, l’humain

Pour Borloo, ce qui fait la force du secteur, ce sont ses acteurs, ses entreprises, ses salariés. Il salue leur courage, leur engagement, leur résilience :

« Vous faites des boulots impossibles. Ce n’est pas des tableaux Excel. Ce sont des gens en autonomie chez d’autres gens, parfois vulnérables. Comment contrôler sans contrôler ? Comment faire rendre compte ? Vous avez un niveau de responsabilité incroyable. »

« Et vos collaborateurs, souvent, ne sont pas dans une situation facile. Mais ils sont là. On leur confie des destins. C’est vous qui êtes admirables. »

Il le répète : ce secteur est vital pour notre société.

« Ce n’est pas un sujet marginal. C’est ce qui fait qu’on tient ensemble. C’est la cohésion sociale, la solidarité réelle, vécue. »

Un appel à ne pas “toucher” à ce qui fonctionne

Alors que la société a évolué, que les crises sanitaires, sociales et économiques se sont succédé, Borloo appelle à ne pas dénaturer ce qui a été construit :

« Surtout, touchez à rien. Pourquoi remettre en cause un truc qui marche ? Qui apporte du bonheur aux enfants, aux grands-parents, à la fragilité éducative ? »

Il insiste sur la nécessité d’une visibilité, d’une stabilité, pour les entreprises du secteur :

« Les chefs d’entreprise investissent sur 5 ou 10 ans. Il faut de la clarté. On change trop souvent les règles. »

L’enjeu de la reconnaissance

Interrogé sur le lobbying, la manière de peser dans le débat public, Borloo est direct :

« Faites une campagne avec les femmes pour les femmes. Mettez le sujet dans la lumière. Ce n’est pas normal qu’il n’y ait pas un journaliste pour couvrir ça. »

Il déplore que ce secteur ne soit pas suffisamment respecté dans les sphères administratives :

« Les services à la personne, ce n’est pas leur univers. Ce n’est pas leur vie. »

Et pourtant, il s’agit de la vie réelle de millions de Français.

« Une dame malade à l’hôpital, rien ne peut être plus important pour elle qu’être bien coiffée. C’est un élément de thérapie. »

La fierté d’un combat utile

Interrogé sur ce dont il est le plus fier, Borloo ne parle ni de plan, ni de chiffres, ni de réforme :

« Je suis fier de croiser quelqu’un qui me dit : j’ai pu m’acheter un petit logement à Mantes, j’ai monté une boîte à Châteaudun. Une mère de quartier qui me dit que la vie a changé. »

Il partage aussi une anecdote bouleversante, à Chanteloup-les-Vignes :

« Un homme m’a dit : c’est moi qui vous ai jeté des pierres quand vous êtes venu la première fois. Et maintenant, toutes les femmes de Chanteloup sont là pour vous embrasser. »

Un message aux jeunes générations

Dans la dernière partie de son intervention, Borloo évoque les défis qui restent devant nous : la jeunesse, le sport, la désorganisation du pays, les fractures territoriales… Mais il revient toujours à l’essentiel :

« Les services à la personne, c’est ce qui permet aux enfants de trouver leur talent l’après-midi. C’est la même chose. C’est ça, notre mission. »

En conclusion

Jean-Louis Borloo nous rappelle que les services à la personne ne sont pas un secteur technique, mais une cause sociale, humaine, nationale.
Son appel est clair : ne laissons pas ce secteur redevenir invisible.

La FESP s’engage à porter ce message dans les semaines à venir, en diffusant chaque mardi une séquence vidéo tirée des Assises nationales 2025.
📅 Rendez-vous la semaine prochaine pour une nouvelle capsule inspirante.

🎥 Revoir l’intervention complète de Jean-Louis Borloo :

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