Actions de la FESP suites aux nouvelles règles en matière de droit aux congés payés

La Cour de cassation a opéré, le 13 septembre 2023, un revirement de jurisprudence quant aux règles relatives aux congés payés en mettant en conformité le droit français avec les règles européennes.

Pour rappel, les règles applicables en droit interne étaient contraires au droit européen, notamment celles prévues par une directive européenne 2003/88/CE. Néanmoins, cette directive n’est pas transposée en droit interne français et n’est donc pas directement applicable en cas de litige. La jurisprudence appliquait, jusqu’alors, les dispositions prévues par la loi, allant à l’encontre des règles de l’Union Européenne tout en demandant une évolution législative.
Dans plusieurs arrêts rendus le 13 septembre dernier, la Cour de cassation a écarté l’application du droit français relatif portant sur le droit aux congés payés pour non-conformité avec le droit européen.

Les évolutions notamment portent sur les règles suivantes :

  • le salarié en arrêt de travail peut acquérir des congés payés durant la période de suspension de son contrat de travail que cet arrêt soit d’origine professionnelle ou non professionnelle. Ainsi, le salarié en arrêt maladie (même d’origine non professionnelle– sans lien avec un accident du travail ou une maladie professionnelle) a droit à des congés payés sur sa période d’absence, contrairement à ce que prévoit le Code du travail.
  • le calcul des droits aux congés payés ne sera plus limité à la première année de l’arrêt de travail du salarié, notamment en cas d’arrêt de travail d’origine professionnelle. La Cour a écarté l’application des dispositions du Code du travail qui prévoyaient l’acquisition de CP dans la limite ininterrompue d’un an, en cas d’arrêt de travail pour cause d’accident du travail ou maladie professionnelle.
  • la prescription du droit aux congés payés ne commence à courir que lorsque l’employeur a accompli toutes les diligences qui lui incombent afin d’assurer au salarié la possibilité d’exercer effectivement son droit à congé. Pour rappel, la gestion des congés payés incombe à l’employeur qui doit prendre toutes les mesures nécessaires pour que les salariés exercent effectivement leur droit à congé. Le délai de prescription est de trois ans à partir de l’expiration de la période légale ou conventionnelle de prise de congés lorsque l’employeur justifie avoir pris et mis en place toutes les mesures nécessaires pour que le salarié bénéficie de son droit aux congés payés.
  • le salarié a droit au report des congés payés acquis mais non pris avant son départ en congé parental d’éducation après sa reprise de travail.

Les décisions rendues par la Cour de cassation sont d’application immédiate. Ainsi, les dispositions légales écartées par la Cour ne devraient plus être appliquées par les employeurs.
Par ailleurs, ces arrêts ont en principe une portée rétroactive, sauf décision ou appréciation contraire des juges. La rétroactivité de la portée de ces arrêts pourrait éventuellement être confirmée ou pas dans les prochains contentieux sur le sujet.
Ce revirement fait peser un réel risque de contestation en cas de non-respect des règles telles qu’interprétées par la Cour de cassation le 13 septembre dernier ainsi qu’un risque de contentieux pour l’application rétroactive de ces règles.
La FESP a immédiatement alerté le MEDEF et le Ministère du travail sur les conséquences fortement préjudiciables de ces règles sur les entreprises et demander des mesures pour en limiter la portée.

Plusieurs actions ont été entreprises à cet effet.

En effet, le MEDEF s’est entretenu, le 21 septembre, avec le cabinet du ministère du travail sur le sujet. Il ressort de cette réunion les points suivants :

  • les décisions de la Cour de cassation reposent sur une interprétation large et extensive des textes européennes. Néanmoins, ce revirement était attendu et prévisible au regard de la position de la Cour de cassation (elle avait notamment demandé dans différents
    rapports et notes une évolution législative de ces mesures). De ce fait, il est peu probable d’obtenir une nouvelle évolution jurisprudentielle à court ou moyen terme.
  • le cabinet ministériel considère que le Code du travail resterait en vigueur en l’absence de modification législative. Toutefois, il reconnait que l’application de la loi nationale par les employeurs les exposent à des réclamations des salariés et des contentieux qui pourraient être perdus par les entreprises en l’absence de revirement de jurisprudence. Ainsi, les salariés peuvent, dès à présent, s’appuyer sur les arrêts de la Cour de cassation pour demander le respect des règles énoncées ci-dessus et leur application rétroactive dans les limites du délai de prescription. Il appartiendrait aux entreprises de mesurer le risque et décider d’appliquer ces nouvelles règles en toute connaissance de cause.
  • le ministère procède actuellement à un travail d’évaluation de l’impact, notamment financier, de cette nouvelle jurisprudence pour les entreprises. A cette fin, le ministère du Travail serait preneur de retours d’informations sur l’impact de la jurisprudence sur les entreprises et d’un benchmark européen relatif à l’application des règles établies par la Cour de cassation.

le ministère réfléchit à une « transposition législative » de la directive européenne mais exclut toute modification de la loi avant 2024 en l’absence de vecteur.

La FESP n’a pas manqué d’alerter sur les risques de contentieux et impacts que l’application des nouvelles règles en matière de congés payés fait peser sur vos structures et qu’elle serait économiquement insupportable.
Afin de pouvoir étayer l’impact pour vos structures, n’hésitez pas à nous faire remonter tout élément ou données chiffrées permettant d’évaluer l’impact de ces règles sur vos structures.

N’hésitez également pas à nous faire part des éventuels contentieux que vous pourriez avoir avec des salariés.
Bien entendu, la FESP ne manquera pas de vous tenir informés des retours de ses réunions avec le ministère du Travail et le MEDEF.

 

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